LA CAFÉOTHÈQUE: DE L’ART DU CAFÉ
13 MAI 2011
TEXTE: ANAÏS HUET
L’endroit est atypique, dépaysant. Un air d’Amérique Latine s’en dégage. Le bruit de la machine à café et des tasses qui s’entrechoquent s’ajoutent aux notes de jazz qui s’échappent des enceintes.
Le regard est immédiatement attiré par ce grand mur de tiroirs sur lesquels sont cartographiés les territoires de toute la frange tropicale. Ils renferment des échantillons de cafés issus des 70 pays producteurs du monde. Pour accueillir les clients, la voix chantante et colorée de Gloria, teintée de son accent guatémaltèque. La maîtresse des lieux est passionnée de cafés, et au pluriel s’il vous plait! Loin de la machine à café du bureau, loin des gobelets en plastique vite enfilés, la Caféothèque est une ode vagabonde à cette boisson finalement méconnue.
Parallèle avec l’oenologie
Gloria Montenegro a commencé cette aventure en 2000 en organisant des dégustations publiques. Leur objectif était d’analyser la robe, le corps, l’acidité, la douceur des arômes du café. En utilisant les préceptes de l’oenologie, un nouveau concept est alors créé: l’art de la dégustation du café, visuelle, olfactive et gustative. Pour la première fois, le café devient une matière d’étude ouverte au public et ne se cantonne plus aux analyses laborantines. Constatant l’engouement, Gloria n’a pas tardé à créer l’Académie de Caféologie. “Cela ne pouvait être fait qu’en France, car c’est le pays des parfumeurs et du vin”, explique Gloria. Au bout d’un moment, force est de constater que les amateurs de cafés ne veulent plus seulement goûter, mais acheter. Une nouvelle étape qui ne tardera pas à être franchie avec l’ouverture de La Caféothèque en 2005…
La démarche de ces nouveaux “caféologues” est liée à une prise de conscience de l’urgence. La culture du café soulève en effet beaucoup de problèmes sociaux. Dans les pays producteurs, cet or noir se vend à perte. Avec l’obligation de productivité, la qualité s’est effritée. Désormais, le concept de café fin se fait entendre, et de plus en plus de personnes abandonnent le café dit “mainstream”. “Les grands industriels du café nous font croire que le café est presque devenu un produit de chimie, alors que c’est un art!”, regrette Gloria, “il ne faut pas attendre d’être riche pour goûter aux bonnes choses!”.
Le café dans tous ses états
Gloria et son équipe continuent les dégustations. Chaque semaine, elles reçoivent trois ou quatre échantillons de cafés venus du monde entier. L’autre jour, un café fin rapporté du Yémen a laissé tous les dégustateurs bouche-bée. Déjà plus de 2000 cafés différents ont été goûtés par Gloria, mais il en demeure tant dont les arômes restent à découvrir. A titre indicatif, on dénombre cinq millions de plantations caféières. Si l’on considère qu’il n’y a qu’1% de café fin, on compterait donc 50 000 terroirs. “Le café est une richesse insoupçonnée et inépuisable, je n’aurai pas assez d’une vie pour les goûter tous”, admet Gloria.
A La Caféothèque, ce ne sont pas les expérimentations qui manquent. Chaque barista (le sommelier du café) a son cocktail spécial. Le café peut se boire froid, et se marie très bien avec du sirop de menthe ou de mangue notamment. “Le café synthétise les parfums de la terre”. La plante tire en effet tout de l’humus, ses arômes sont donc variés et s’adaptent très bien en cocktails de fruits”, explique l’un des baristas. Des recettes surprenantes, qui donnent une autre image de cette boisson si commune.
Le café, culture du partage
La Caféothèque est une véritable tour de Babel, toutes les langues s’y mêlent dans un joyeux brouhaha. Depuis la reconnaissance du New-York Times (qui qualifiait la Caféothèque de “meilleur café de Paris”) et celle du célèbre chef cuisinier Alain Ducasse dans son livre J’aime Paris, les touristes du monde entier s’y pressent. Touristes? Pas vraiment. “La Caféothèque est un rendez-vous de voyageurs, réels et de spirituels”, estime un fidèle client.
Le plaisir gagné ne fait pas oublier les causes importantes pour lesquelles l’association existe. Nouveau cheval de bataille pour Gloria: le “Tumaca”, ou le tour du monde autour des caféiers. Ce projet a pour volonté de faire en sorte que les producteurs goûtent leur propre café. En effet, et aussi surprenant que cela puisse paraitre, ils n’ont bien souvent aucune idée de sa saveur. Près de 100% de la production est consacrée à l’exportation. Seuls les défauts restent pour la consommation nationale. D’où une baisse de l’estime des producteurs envers eux-mêmes. “Ils ne savent pas qu’ils produisent quelque chose de délicieux”, regrette Gloria. Le projet prévoit d’aller à la rencontre de ces producteurs avec une valise comprenant le matériel de torréfaction. Prochaine étape: le Guatémala.
Vous reprendrez bien une tasse?
A partir de 3 euros pour un expresso
La Caféothèque
52, rue de l’Hôtel de Ville
75004 Paris
Tel: 01 53 01 83 84
Mel: contact@lacafeotheque.com
http://voyages.liberation.fr/decouverte/la-cafeotheque-de-l-039-art-du-cafe